En fait, l’Ilophone, ce n’est pas un festival. C’est bien pire que ça. Déjà, on n’y vient ni par la route ni par le train. On y vient par bateau. Et sur le bateau, on distingue facilement les festivaliers des touristes : les touristes n’ont pas de bière à la main. A l’Ilophone, la grande scène squatte le gymnase de l’île. A l’Ilophone, il n’y a pas de fosse pour les photographes. On peut mitrailler à tout va. A l’Ilophone, il n’y pas d’espace VIP. Alors les artistes assoiffés se mêlent à la petite foule. A l’Ilophone, il n’y a déjà plus de Coreff au bar à 23 h. Mais il reste toujours de la bière, hein. A l’Ilophone, on peut même papoter avec Thierry Rolland, l’électricien du bourg. A l’Ilophone, les deux gendarmes en service se laissent volontiers prendre en photo avec les viandes saoules. Enfin, à l’Ilophone, le conducteur peut boire plus que de raison, car personne ne prend la bagnole pour rentrer.

Tiersen
21h45, samedi. « Eh, pour ceux qui sont au bar : on commence ! » Déboulant sur scène, Yann Tiersen s’annonce lui-même. Décontrac’, gouailleur, la tête d’affiche de cet Ilophone #5 est chez elle. Sa tenue le confirme : marinière grise et rouge, jean délavé noir, chaussures de rando. Les claviers électro lancent doucement le set. Peu à peu, ils réveillent la basse, la guitare. Puis la batterie. La voix se fait robotique, aérienne. Le rythme s’emballe, le son s’enflamme. Fin du premier morceau : tout le monde est calmé. C’est dit, Tiersen, pour la dernière de sa tournée, ne sera pas autiste ce soir. Autour de lui, six jeunes zicos dont il pourrait être le père. Parfois même, une chorale d’enfants de l’île, réquisitionnée pour l’occasion. Tiersen jongle avec les titres de ses différents albums (Skyline, Dust Lane), et avec les instruments (claviers, guitare, violon). Le menu est exquis, les clients sont aux anges. Celui qui, six heures plus tôt, à l’heure de la baignade sur une plage ouessantine, beuglait à ses potes « C’est trop froid, j’arrive pas à pisser ! », semblait comme un poisson dans l’eau. Ou plutôt dans la bière.

Robin Foster
Le gars de Kendal (près de Manchester) avait un joli défi à relever : éviter que les fans de Tiersen ne retournent à la buvette. Défi à moitié réussi. Guitares suaves, pop classe. Le set est bien propre, bien rodé, bien sage. Un poil trop, sans doute. Robin Foster connaît bien le coin : il est installé dans le Finistère depuis 15 ans. Il connaît aussi les loustics dans la salle omnisports. Son dernier morceau s’éternise… et sort enfin les tripes du groupe. Et c’est tant mieux.

Wankin’Noodles
Comment surchauffer un public finistérien éméché quand on se revendique de Rennes ?  Avec de la provoc’ bon enfant, du son rock bondissant, et une allure de jeune bourgeoisie dévergondée. En tout cas, c’est la recette – réussie – adoptée par les Wankin’Noodles, samedi en cloture de soirée. De la trentaine au début du show, l’affluence passe à 300 à la toute fin. Ça danse n’importe comment, ça hurle n’importe quoi, ça boit avec n’importe qui. Les noctambules suent à grandes eaux. Ça tombe bien, on est dans une salle de sports.

Le concert des sanitaires
Dimanche, 4h. La porte d’entrée des chiottes s’entrouvre. Et là, c’est Tchernobyl dans les oreilles. Un vacarme assourdissant, à mi-chemin entre une batucada et un rayon Tefal qui se casse la gueule. Les musiciens ? Un joueur de panneau de signalisation qui saigne des phallanges, une joueuse de brosse à chiottes, un duo qui claque le couvercle de la poubelle, un mec qui maltraite une cloison à coups de poing, etc. Un tableau de toute beauté qui se répète pour « la troisième année consécutive », assure une campeuse. Un after qui ferait presque envier certains artistes programmés durant le festival. Une fois la porte refermée, l’ensemble se révèle plutôt bien calé. Voire très écoutable. Le concert dure une bonne heure. Bon, dans le lot, y a aussi des musiciens un peu figurants. Comme ce jeune Brestois ouvrant et fermant les robinets en rythme. Probablement, la percu la plus coule.

Textes et photos: Benoît Tréhorel