MÉDIATIQUE AU DÉBUT DES ANNÉES 2000, LE MOUVEMENT RAËLIEN APPARAÎT AUJOURD’HUI EN CHUTE INTERSIDÉRALE. NOUS AVONS TROUVÉ UN DE SES DERNIERS DISCIPLES ET AVONS EMBARQUÉ DANS SON APPARTEMENT.

Quatrième étage d’un immeuble du centre-ville rennais. Après avoir monté une série de marches étroites, j’appuie sur la sonnette de la porte de gauche. « Bonjour et bienvenue », m’adresse Michel (prénom modifié, ndlr), mon hôte, dans un phrasé digne d’une rencontre du troisième type. Un pas dans l’entrée et là, au-dessus de la commode dépose-merdes, une affiche surgit devant moi. Un portrait de Raël. Noir et blanc, format A3, encadré, sous lequel sont notées des citations de celui qui prétend être le messager des extraterrestres Elohim.

Pas le temps de les lire qu’on m’invite à passer dans le salon de cet appart vieillot. Y’a un tas d’éclairages indirects, la lumière est tamisée, une chaîne susurre de la musique relaxante et une forte odeur d’huiles essentielles embaume la pièce. La rencontre du Buddha-bar et de Nature et Découvertes, version ufologique.

La bible raëlienne

Un demi cul posé sur l’un des deux fauteuils, je regarde Michel qui, lui, reste debout devant moi. « Voilà… un raëlien », m’annonce-t-il en se montrant lui-même du doigt. Putain. Tunique blanche à grande encolure, logo du mouvement en pendentif doré et veste aux couleurs florales. Le look de l’emploi.

Après m’avoir proposé une tisane (« J’ai pas très soif, merci » – on ne sait jamais), mon fan des soucoupes, contacté via le site Internet du mouvement raëlien, me demande pourquoi j’ai voulu le rencontrer. Je lui explique que je suis nouveau à Rennes et que, passionné par la question extraterrestre, je cherche un groupe pour échanger sur le sujet. Il se lève et va chercher un bouquin qu’il me tend aussitôt. Les extraterrestres m’ont emmené sur leur planète : la bible du mouvement raëlien. L’ouvrage qui explique « tout » : la rencontre de Claude “Raël” Vorilhon avec les Elohim en 1973 dans la campagne auvergnate, son repas avec Jésus, Moïse et Mahomet sur une autre planète, l’origine extraterrestre de la vie sur Terre, les préceptes donnés par les Elohim, mais qui oublie de rappeler qu’en 1995 le mouvement a été considéré comme sectaire par une commission d’enquête parlementaire.

Retraité de la CAF

Raëlien depuis 1975, Michel a connu tous les états de ce courant qui se définit comme « une religion athée ». L’engouement des débuts (« Au plus fort, nous étions près de 300 membres en Bretagne »), la médiatisation liée à l’affaire Clonaid (en 2002, un labo dirigé par une responsable raëlienne affirmait avoir cloné le premier être humain), les procès de membres pour agressions sexuelles sur mineurs lors de stages de méditation sensuelle… Et aujourd’hui, la léthargie.

« Je suis désormais le seul raëlien à Rennes. Dans l’Ouest, entre les membres et les sympathisants, nous sommes une trentaine. Beaucoup sont partis depuis l’affaire du clonage et les personnes qui nous contactent ne restent jamais longtemps. Le message raëlien m’apporte du bien-être chaque jour, c’est pour ça que je suis toujours fidèle », me raconte ce retraité de la CAF qui s’énerve à moitié quand on l’interroge sur les liens entre sa croyance et l’ésotérisme : « Ça n’a rien à voir ! L’ésotérisme, c’est le mystère. Nous, c’est la science. »

Si le mouvement apparaît en perte de vitesse cosmique, des activités perdurent tout de même. Mon hôte anti-darwinien me parle des rencontres organisées tous les deux mois dans une ville de l’Ouest. « La prochaine a lieu à Nantes, ça te dit ? Ça serait sympa si tu venais… »

« Tu verras peut-être un signal »

Sans lui répondre, je l’interroge sur le programme de ces journées. Méditation, projection de vidéos et tentative de communication télépathique avec les Elohim.

« Comme ils nous l’invitent à le faire tous les dimanches », me précise Michel, livre à l’appui : « Contemple les étoiles en pensant fortement aux Elohim, en pensant que tu es prêt à faire exactement ce qu’ils pourraient te demander, même si tu ne comprenais pas très bien pourquoi ils te le demandaient. Tu verras peut-être un signal si tu es prêt. » Ça me fout les boules, je me casse. Retour sur Terre.

J.M
Article paru dans Bikini#1