Après Les Beaux Gosses, l’ancien Rennais Riad Sattouf sort son second film Jacky au royaume des filles. L’histoire d’un régime totalitaire dirigé par les femmes où les hommes sont soumis et voilés.

Dans Jacky au royaume des filles, les hommes sont voilés. ça vient d’où cette idée ?
La République démocratique et populaire de Bubunne, où se déroule le film, se trouve sur Terre mais dans une dimension parallèle où les femmes ont le pouvoir. Le même pouvoir qu’ont les hommes dans notre monde. Dans cette dimension, je voulais créer un pays extrémiste et ultra-conservateur et y raconter l’histoire d’un Cendrillon masculin. Les sociétés totalitaires assignent des rôles spécifiques aux sexes, accompagnés de codes vestimentaires stricts.

Comme les “voileries” que portent les hommes de Bubunne…
C’est un habit spécifique qui n’a pas d’équivalent sur la planète. On peut y reconnaître le voile musulman, mais aussi les habits des bonnes sœurs, des moines orthodoxes ou bouddhistes… Dans cette société frustrée au maximum, la dissimulation du corps le transforme en objet de fantasmes. Résultat, le seul fait qu’un homme relève sa voilerie et montre ses mollets suffit à susciter le désir chez les femmes.

Vos films et vos BD ont très souvent des adolescents comme personnages centraux. C’est un âge qui vous fascine toujours autant ?
C’est l’étape où l’on quitte l’enfance. Sa difficulté, c’est d’appréhender la réalité qui, souvent, entre en collision avec la vision rassurante que l’on a pu intégrer lorsqu’on était enfant. J’écris des histoires que j’aurais aimé découvrir quand j’avais 14 ans. Je voulais faire un film qui montre avec humour que l’on n’est jamais obligé de respecter ce qu’on nous demande de respecter. On peut toujours choisir de se soumettre ou non.

Un exemple ?
Nous vivons dans un monde masculin dans lequel les pays les plus développés sont les pays où les sexes sont les plus égaux. Mais à l’intérieur de ceux-ci, le progrès se heurte toujours au conservatisme de la famille et de ses valeurs. Dès que l’on prône plus d’égalité entre les sexes, certains brandissent la menace du déséquilibre de l’ordre familial comme épouvantail. Dans le film, tout va bien pour Jacky, jusqu’à ce qu’il soit exclu de la société qui ne tolère ni sa rébellion ni sa remise en question.

Sinon, pas trop de pression de faire un second film après le succès des Beaux Gosses il y a trois ans ?
J’étais très angoissé ! Mais c’était aussi le moment de faire quelque chose de totalement différent. Je souhaitais m’interroger sur la question du rire. Qu’est-ce qui nous fait rire ? Qui rit de quoi ? Dans Les Beaux Gosses, j’ai exploré toutes les sortes de rire possibles. Il y a une scène où un prof se suicide. Certains spectateurs en rient simplement, d’autres pas, d’autres ont un rire jaune ou nerveux… Je trouve cela fascinant de voir ce que le rire peut dire d’une société. Inverser les rôles dans Jacky au royaume des filles, ça peut être comique… mais aussi terrifiant. Tout le monde ne rira pas de la même manière, c’est certain !

Recueilli  par Brice Miclet
Photos : Les Films des Tournelles et Kate Barry

Sortie le 29 janvier