Avec son humour noir, le Breton Pierre-Emmanuel barré a réussi à faire de ses chroniques le moment le plus cool de La Nouvelle Edition sur Canal +. Télévision, liberté d’expression et vannes trash : il balance tout.

Alors comme ça il paraît que t’es Breton. Tu viens d’où exactement ?
Je suis né à Quimperlé, j’ai grandi au Pouldu. J’ai fait mon lycée à Lorient avant d’aller à Rennes en fac de bio. Mais j’ai vite arrêté : je faisais pas mal la fête et je picolais tous les soirs… Je me suis ensuite installé à Paris car je voulais faire du théâtre. Alors comme tout le monde, je me suis inscrit au cours Florent, mais c’était pas terrible.

Tu es sur France Inter depuis 2012 et sur Canal depuis la rentrée, comment t’as atterri là-bas ?
J’ai rencontré Frédéric Lopez à Avignon où je jouais mon spectacle Pierre-Emmanuel Barré est un sale con. Ça lui a plu et il m’a proposé de rejoindre son équipe. Pour Canal, c’est la femme du rédacteur en chef de La Nouvelle Édition qui m’écoutait à la radio et qui m’a conseillé. Mais la télé ne rentre pas du tout dans mon plan de carrière : je ne voulais pas spécialement en faire, je ne la regarde pratiquement pas. Je trouve que c’est un truc assez abrutissant.

« J’avais écrit un truc sur Pierre Ménès »

Tu ne te prives pas pour autant pour y dire des horreurs. Tu fais pas mal de vannes sur la pédophilie, les maladies… Canal relit tes textes ou t’as une liberté totale ?
Je soumets mes papiers avant mais j’ai énormément de liberté. Je peux dire à peu près tout. Pour moi, il n’y a rien de sacré. Je pense qu’on a le droit de se moquer de tout. Après forcément, on m’a déjà censuré quelques trucs.

Quoi par exemple ?
Un jeu de mot sur la Shoah. Avec ce qui s’est passé avec l’affaire Dieudonné, on m’a demandé de le modifier. Sinon, je n’ai pas trop le droit aux blagues sur les autres émissions de la chaîne. J’avais écrit un truc sur Pierre Ménès (la chronique racontait que le Costa Concordia avait pu être relevé grâce à la technique utilisée tous les matins pour lever Pierre Ménès, ndlr). J’ai dû le virer car il serait un peu susceptible. Les gens manquent de dérision.

« Pas dans une émission à la Hanouna »

Ça se passe bien avec l’équipe de La Nouvelle Édition ? Ils n’ont pas l’air d’avoir trop le sens de la fête…
Bah écoute, ils sont plutôt marrants ! Je n’aurais pas aimé me retrouver dans une émission à la Hanouna où ça crie, où les mecs font tout ce qu’ils peuvent pour être filmés, quitte à dire de la merde. À La Nouvelle Édition, ce n’est pas comme ça. J’aime son côté posé. Et puis, je trouve ça plus marrant d’aller dire des saloperies tous les midis dans une émission bon enfant que d’aller prêcher des convertis en faisant de l’humour noir à 23 h.

T’aurais pas préféré être au Grand Journal ?
Je n’aurais pas eu le droit de dire la moitié de ce que je dis. La Nouvelle Édition, c’est le midi, c’est pas une émission à forte audience, c’est l’idéal.

« Si les gens rient avant d’être gênés, c’est réussi »

C’est quoi les sujets qui font le plus réagir ?

La Corse ! (rires) Suite à une chronique, la Ligue des droits de l’Homme de Corse a saisi le CSA… Mais ce qui touche le plus les gens, c’est les trucs du quotidien. Les femmes battues par exemple. Tu peux en rigoler mais ça fait toujours réagir. Je peux faire trente vannes sur des centaines de migrants morts noyés sans avoir trop de réactions, alors que si je fais une blague sur une femme tabassée je reçois une dizaine de lettres.

C’est compliqué de faire de l’humour noir de nos jours ?
Du moment que c’est drôle, tu peux rire de n’importe quel sujet. Si les gens rient avant d’être gênés, je considère que c’est réussi.

Recueilli par Julien Marchand
photo : Xavier Lahache – Canal+

Du lundi au jeudi
à La Nouvelle Édition sur Canal +

Article paru dans BIKINI #16