EN QUINZE ANS, 5000 GROUPES ONT PARTICIPÉ AU TREMPLIN DU FESTIVAL CARHAISIEN
AVEC L’ESPOIR D’ÊTRE LAURÉAT. SEULEMENT VOILÀ, UNE VICTOIRE AUX CHARRUES PERMET-ELLE DE PERCER ?

 

« Quand on a monté les Jeunes Charrues en 1996, l’idée était de s’intéresser aux jeunes groupes de la région. Avec le CLAJ de Carhaix (Culture Loisirs Animation Jeunesse, ndlr), on a donc décidé de lancer ce tremplin. On a reçu un paquet de CD et de cassettes. Et, entre nous, on a sélectionné deux groupes qu’on a programmés au festival », se souvient Jean-Jacques Toux, programmateur aux Vieilles Charrues et initiateur de ce rendez-vous.

Quinze ans après, ce sont 5000 groupes qui ont participé aux Jeunes Charrues. Certains ont eu la chance de jouer à Kérampuilh, certains ont eu la chance de gagner à Kérampuilh. Parmi les formations qui ont marqué les esprits : HocusPocus, Jeanne Cherhal, Wankin’ Noodles, Sheer-K, Micronologie, Maïon&Wenn…

Pour tous ces groupes, l’épisode Jeunes Charrues a commencé chez eux, lors d’une finale locale, face à d’autres groupes du cru. « C’est en 1999 que le tremplin a pris sa forme actuelle, explique Jean-Jacques Toux. Dans dix territoires de l’Ouest, des structures référentes organisent une soirée avec quatre ou cinq formations. Et le groupe qui sort du lot gagne son ticket pour Carhaix. Chaque année, dix jeunes groupes intègrent ainsi la programmation du festival. Et à l’issue du week-end, un jury composé de professionnels désigne un lauréat qui ouvrira l’édition suivante. »

 

« Une grosse date »

Au Manège, la salle de musiques actuelles (Smac) du pays de Lorient, on reçoit chaque année entre 50 et 60 inscriptions pour les Jeunes Charrues. « Deux principales raisons poussent les musiciens à vouloir participer. Il y a d’abord les groupes naissants qui tentent de se faire connaître. C’est la majorité. Et puis, il y a des formations plus confirmées, avec déjà une petite notoriété locale, qui sont motivées par le côté “Charrues” et qui aimeraient bien y passer pour franchir une étape », observe Anne-Claire Charles, administratrice au Manège. « Si les groupes s’inscrivent, ajoute Yann Tronet de la Citrouille à Saint-Brieuc, c’est pour le prestige. Et l’espoir d’être sélectionnés. Passer à Carhaix, ce n’est pas rien sur ton CV. »

Vainqueur de la dernière édition des Jeunes Charrues, le groupe The Octopus (photo), originaire de Douarnenez, reconnaît le coup de pouce que lui a donné le tremplin. « Ça nous a ouvert des portes et ça nous a permis d’aller plus vite. Cela fait de nous un groupe plus crédible, qui tient la route », estime Max, bassiste et chanteur du quatuor rock.

Même son de cloche du côté de Micronologie, groupe de hip-hop, lauréat en 2008. « Une grosse date comme Carhaix, pour la visibilité, c’est bien. On l’a senti après la victoire : notre Myspace a été plus visité, on a eu des papiers dans la presse, ton nom circule davantage. Ça t’aide un peu les premiers temps pour trouver des dates », expliquent les quatre gars du crew.

« Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile pour les jeunes groupes de trouver des endroits où jouer. Alors si leur passage aux Charrues les aide, tant mieux. C’est un coup de projecteur qui peut déboucher sur des bonnes choses », ajoute Jean-Jacques Toux.

Les bonnes surprises sont souvent des rencontres. Car Carhaix reste un endroit privilégié chaque été. « Aux Charrues, tu as une concentration de professionnels, alors s’il y a bien une date où tu peux prouver quelque chose c’est celle-ci. Si ta musique a un truc, si tu assures ta prestation et si ça plaît à un mec, ça peut décoller », estime Yann Tronet. Pour Max de The Octopus, le bouche à oreille entre pros peut fonctionner. « Les festivals se parlent entre eux. À long terme, ça peut payer. »

Victorieuses en 2007, Maïon&Wennont tourné comme des folles l’année qui a suivi. « Ça facilite les choses pour créer des liens, reconnaissent les deux copines. On avait déjà l’habitude de la scène mais c’est clair que ça nous a aidées à nous professionnaliser car on a appris de nouvelles choses, la comm’ par exemple. »

Travailler tous les aspects de la musique, c’est aussi ce que permettent les Jeunes Charrues. Tous les groupes sélectionnés pour le festival se voient proposer deux formations avant leur passage : une liée au travail scénique (une semaine en pré-production) et une autre, plus théorique, qui se penche sur différents points comme le statut d’intermittent du spectacle ou le droit d’auteur. « Faire de la bonne zik ne suffit pas. Surtout quand on veut poursuivre le truc et tenter d’en vivre », juge Jean-Jacques Toux.

 

« Pas un tourneur »

Question qui a fait débat cette année entre les différents organisateurs des Jeunes Charrues, l’accompagnement apparaît aussi crucial pour les formations qui veulent poursuivre leur progression. Car, à regarder la liste des lauréats et ce qu’ils sont devenus, très peu ont vraiment percé.

Alors, que faire ? « Après les Charrues, la problématique est la même pour tous les groupes », estime l’initiateur du tremplin pour qui le festival n’a pas vocation à devenir « un tourneur ».

« Autant il y a un partenariat en amont entre le festival et les structures, autant il n’y en a pas pour l’après Charrues, explique Anne-Claire du Manège. S’il devait y avoir un accompagnement à faire, cela reviendrait plus aux Smac car elles sont habituées à le faire à l’année. Mais cela dépend aussi de leurs moyens. »

Pour Yann de la Citrouille, cette question reste délicate. « Il ne faudrait pas considérer ce travail d’accompagnement comme un travail de label. Nous ne sommes pas là pour sortir des groupes mais pour leur proposer des solutions dans leur pratique musicale. C’est à eux de se bouger le cul s’ils veulent faire vivre leur projet. »

Julien Marchand

Tremplins Jeunes Charrues à Carhaix (16 avril),
Penzé (16 avril), Rennes (16 avril), Saint-Malo (22 avril),
Lorient
(23 avril), Saint-Brieuc (6 mai) et Pont-l’Abbé (7 mai)

(photo : Alain Marie)