15 h, top départ des 24 h du Mans, top départ de la journée du samedi à Art Rock. Direction le forum de la Passerelle pour le premier concert de la journée. Sur scène, les invités locaux Bumpkin Island. Pas mal de monde, bonne adhésion du public, concert réussi. Le morceau phare ? Un hymne chorale idyllique qui se termine par un « It’s gonna be wonderful » mignon tout plein, chanté une deuxième fois en rappel.

Bumpkin Island

La joyeuse troupe chante avec plaisir, les spectateurs en prennent aussi. Nous, on préfère quand ils font du Sigur Rós, avec montée lente et progressive jusqu’à l’explosion finale bruitiste. Ce qu’ils réussissent à la perfection avec la chanson Alone. Un titre puissant où tout s’accorde bien. Là, ils sont vraiment top. Le concert fini, une journée marathon les attend, avec pas mal de sollicitations – régionaux du jour oblige – et quelques bœufs improvisés, dans la rue comme en conf’ de presse. « Il y aura un avant et un après Art Rock pour nous », estime la chanteuse Élise.

tUnE YaRdS

Du forum au petit théâtre de la Passerelle, il n’y a que quelques mètres, mais c’est un monde qui sépare la musique de Bumpkin de celle de tUnE YaRdS et sa chanteuse freak Merril Garbus, adepte du sampling et des boucles de voix. Accompagnée d’un hipster et de deux saxos, elle offre un curieux mélange lo-fi, sorte de croisement entre Sonic Youth et Animal Collective. Le côté zarbi de la chose est renforcé par le cadre, ce théâtre traditionnel à balcon où tout le monde est assis et étrangement passif. « Elle a récemment fait Primavera et sold-out dans un Nouveau-Casino en furie », confie une fan transie, un brin déçue. Ah oui c’est sûr, ça a dû lui changer.

C’est l’heure d’aller se rincer le gosier place du Chai avec, ô miracle, du soleil. Au bar Le Ventilo, le DJ enchaîne BB Brunes et Offspring. Mégateuf. En attendant les premiers concerts à Poulain Corbion, on déambule, prenant le temps de visiter l’expo Miss.Tic. Là-bas, une table ronde sur les biographies de rockstars réunit quelques spécialistes de la question. Les invités, pas avares de phrases longues – très longues –, se gratouillent la barbe en attendant d’avoir le micro.

Pas très loin, au bar B52, un sosie vocal de De Palmas s’époumone pour le off. Sous le regard un brin circonspect des tUne YaRdS, qui passaient par hasard. Plus tôt dans l’aprem, le Rennais DJ Freshhh avait balancé ses premiers skeuds de funk. Avec une Guinness, ça passe super bien et ça donne presque envie de ressortir la platine DJ Hero sur Wii.

DJ Freshhh

On passe à La Chapelle où les conférences de presse s’enchaînent. Une nuée de journalistes attend Cali. Interrogé sur le titre de son dernier album (La vie est une truite arc-en-ciel qui nage dans mon cœur), le Catalan nous raconte pour la énième fois son histoire, persuadé d’avoir fait un truc de gue-din. « C’est une folie de petit con. Aujourd’hui, tout le monde croit que les titres doivent être courts, formatés, que ça doit aller vite. Une chanson, c’est pas juste ‘atchoum’. » Parce que simplet c’est mieux ?

Cali, à la Chapelle

Puis c’est au tour d’Aloe Blacc de faire face à la presse. On écoute d’une oreille distraite, le temps de l’entendre dire que ses références sont « Stevie Wonder, Bob Marley et John Lennon. » Le con, il a oublié Marvin Gaye. On attend désormais Is Tropical, avec qui on avait calé une interview. Les gars ont du retard, normal, mais finissent par arriver. Blouson en cuir vintage et cheveux sales, ils ont l’allure attendue de mecs qui se la jouent un peu, mais répondent poliment à nos questions, qui se concentrent sur le récent gros succès du clip de leur single, The Greeks. Soit plus d’1,7 millions de visiteurs sur YouTube en une quinzaine de jours. Une vidéo visuellement épatante, réalisée par les Français de MegaForce, mettant en scène des gamins en train de jouer pour de vrai à la guerre.

 


IS TROPICAL "The Greeks" par MaisonKitsune

Aux dires des membres du groupe, ce clip a illustré leur musique sans trop qu’ils le sachent. « Je l’ai découvert avec ma mère en regardant la télé dans sa cuisine, explique l’un deux, et ma première réaction a été la surprise, je ne pensais pas que c’était permis de montrer de telles choses, mais c’est vraiment bien foutu. Après, ne va pas chercher un quelconque message derrière, chacun peut l’interpréter à sa manière. » L’intérêt pour eux, c’est de faire le buzz. « C’est le bon moment. Au tout début, quand on a commencé à parler de nous comme ‘the next big thing’, on n’était pas prêt. Maintenant, on l’est. » Mouais, le concert donné quelques heures plus tard laisse à penser qu’il y a encore un peu de boulot… (lire plus loin)

Dans la cour du Musée, sous la tonnelle de Radio Activ’, on retrouve les gars de Rafale en pleine promo de leur nouvel album Obsessions. « Je le dis et le répète, je ne comprends pas que vous ne soyez pas à l’affiche du festival, leur lance l’animateur. L’année prochaine, j’espère vous voir directement à Poulain Corbion. » On se joint à cet appel.

En attendant 2012, on file voir Lilly Wood and The Prick qui ouvre la soirée sur la place. La folie adolescente leur réserve une entrée accueillante. Guitares en avant, le groupe leur répond par un set marqué rock d’entrée de jeu. Un début de prestation plus burné que délicat. À l’image de Nili Hadida, robe bleue et collants roses, qui mise davantage sur une voix puissante pour séduire Poulain Corbion.

Lilly Wood and The Prick

Juste après, avec son t-shirt « Neu ! » et sa coupe de Simple Jack, Yann Tiersen ne joue pas forcément les lumières, mais sur scène, il assure toujours, bien aidé par un excellent groupe derrière. Loin, très loin de l’univers d’Amélie Poulain, le public a droit à du rock psyché efficace, même s’il peine à toucher. Le gosse beau Aloe Blacc enchaîne et provoque quelques émois chez la gente féminine, avec des miss « woo woo !! » en forme, qui s’excitent au moindre sourire charmeur, c’est-à-dire à peu près tout le temps. La voix est belle, le groove sensuel, mais ça a parfois tendance à tendre un poil trop vers le sirupeux.

Yann Tiersen

C’est donc l’heure – déjà – de dire au revoir à Poulain Corbion, afin de se diriger lentement vers le forum. On a une bonne heure à tuer. C’est l’occasion de grailler. Le moment LOL de la soirée, avec un restaurateur particulièrement loquace. La musique, rien à foutre, lui, ce qui l’intéresse, c’est la baraque à frites. Et pas n’importe laquelle, la sienne. Tandis que les steaks décongèlent, il nous apprend qu’il vient de s’acheter « une remorque de 13 mètres de long, avec quatre plans cuisson, les bacs, la machine à kébab, le tout pour 10 000 euros, état parfait, acheté en Allemagne ». Une affaire ? « Je veux, ouais ! » Ouais, en attendant son américain-frites est absolument dégueulasse. Moralité : ne jamais choisir une baraque où le mec a le temps de te causer faute de clients à servir, c’est un mauvais plan.

Juste avant le forum, dernier détour par le parc des Promenades, où est donnée gratuitement la pièce Page Blanche. Soit neuf grands carrés blancs empilés façon morpions, avec des bonhommes derrière faisant de la peinture en ombre chinoise, le tout sur une musique atmosphérique. Raconté ainsi ça semble chelou, en réalité ça l’est vraiment. Il est plus que l’heure d’aller enfin à la Passerelle assister au set noisy de The Raveonettes. Mention bien, voire très bien, pour les Danois et leur rock dark, même si ça sent parfois un peu le réchauffé.

Puis c’est le tour de Is Tropical pour la déception de la soirée. L’énorme déception même, avec à peine quarante minutes d’un concert franchement bâclé. Au programme, un son lourd, cradingue même, des chanteurs masqués, une quasi-absence de lumière, des imprécisions et des morceaux qui peinent à briller en live. Fail.

The Inspector Cluzo

Tant pis, il reste encore un concert, et pas des moindres : l’affreux, sale et méchant duo gascon Inspector Cluzo, qui transforme sa prestation en bal des vacheries et/ou règlements de compte. Un réquisitoire pas vraiment argumenté où tout le monde y passe : Ben l’Oncle Soul (« on l’a croisé aux Pays-Bas, un gars avec un boulard gros comme ça »), Aaron (« qui nous a plombé la fin de soirée avec sa musique chiante à crever »), Mass Hysteria (« je vous invite à danser comme sur n’importe quel groupe métal français de merde, Mass Hysteria par exemple »), les bassistes (« de la merde, ça sert à rien »)… Et la musique dans tout ça ? Quand ils se décident à en faire, entre deux saillies, ça envoie du bois, avec un son maousse et une voix qui peut passer de Robert Plant à Lemmy Kilmister. « J’espère que vous avez aimé, en tout cas nous on s’est bien amusés », lance le gros barbu, surtout fier de sa prestation de stand-up. Mouais.

R.D et J.M