3h30. Apocalypse NOW. On a beau savoir que d’année en année, inévitablement, fatalement, malheureusement, la pluie s’invite à La Route du Rock, ça fait toujours quelque chose de l’entendre faire « plic ploc » sur les épaules. La garce. Elle ne nous a pas lâché durant des heures et des heures, ininterrompue, chiante, collante, rendant le site vite impraticable. On va pas vous faire un cours de géologie, mais on suppute que le sol du fort Saint-Père n’absorbe aucune, mais alors aucune goutte d’eau. Résultat, des flaques – on peut quasi parler de lacs par endroits – se sont rapidement formées. Pas un centimètre carré n’a été épargné et on va vous le dire tout de suite, pour protéger le matériel des trop fortes intempéries, on a vite été obligé de ranger l’appareil photo bien à l’abri des gouttes. Il n’y aura donc pas de compte-rendus photos de cette soirée qui, musicalement, a tenu ses promesses. C’est bien là l’essentiel vous me direz. On passe la prestation de Low, vue dans une trop grande confusion pour vous en rendre une quelconque impression, pour passer directement au concert de Cults, programmé à 21h50. Dans la foule, au milieu des ponchos multicolores (jaune, bleu, rouge, choisis ton camp camarade), on a retrouvé le moral en écoutant les jeunes Américains, adeptes d’une douce pop aux mélodies imparables. C’est un poil cul-cul par moment, on vous l’accorde, mais ça réconforte.
Face au site transformé en mangrove, Blonde Redhead enchaîne. Alors eux, ce sont de vrais poissards. En 2004 déjà, on se souvient les avoir vu performer sous des trombes. Là, pareil, de la flotte, encore et encore, donc honnêtement, on ne rangera pas ce concert dans la case des bons souvenirs. Il faut ensuite se déplacer derrière la régie pour prendre place devant la nouvelle micro-scène mise en place cette année et écouter Dirty Beaches. Nul besoin de place, remarquez, puisque Dirty Beaches est en fait un seul gars, Canadien, présenté comme l’inventeur, du « rockabilly neurasthénique ». Ok, ça ne veut rien dire, mais c’est en tout cas plutôt bon, quoi qu’un poil bruitiste. Ou apocalyptique, ce qui convient bien au contexte.
Restent alors deux concerts. Celui de The Kills d’abord, qu’on peut considérer comme LA tête d’affiche rock de cette édition. Déjà vus deux fois sur ce même site par le passé, le duo composé d’Alison Mosshart et Jamie Hince (Mr Kate Moss) remporte son logique petit succès, même si on les a déjà vus plus en forme. C’est quand ils jouent leurs morceaux des premiers albums qu’ils touchent. Ceux du dernier, déjà nettement moins. À mi-concert, ô miracle, la pluie s’arrête enfin. Les survivors restés sur place peuvent alors profiter au sec (enfin, les pieds trempés pour ceux qui ont oublié leurs bottes, tout de même) du show Battles. Un trio à la réputation grandissante, ultra rythmique, où la batterie est placé au centre des débats. Les morceaux partent dans tous les sens, sans prévenir, on aime.
20h15. La deuxième journée commence mal. Sitôt sortis des Quéchua, la tête pas très fraîche après une nuit bien courte, on doit se fader une bonne heure de queue pour trouver une place dans la précieuse navette, direction Saint-Malo intramuros. En récompense, on se gave de caféine, en attendant les DJ sets de la plage. L’occasion de discuter avec une petite bande de Rennais qui lisent L’Equipe du jour. Le Stade joue ce soir contre le Qatar Saint-Germain, qui a récemment défrayé la chronique en enrôlant Javier Pastore pour la coquette somme de 42 millions d’euros. Un commentaire, les gars ? « Ce mec est une arnaque. » Ouais enfin c’est comme le coup de la jolie fille. Si tu l’avais dans ton lit, tu dormirais pas dans la baignoire, hein. Jaloux.
Hop, on file devant la scène récupérer un des nombreux transats gentiment mis à disposition des festivaliers par l’orga, pour une petite mais fort appréciée sieste musicale. Un voisin de chaise longue, plongé dans ses esprits, glisse soudain à son pote : « C’est marrant, il pleut mais ça mouille pas. » Le crachin breton, mec, c’est ça le crachin breton, ça ne mouille pas. Après Ethel, c’est le label parisien Record Makers qui est aujourd’hui aux platines. On zappe le concert de leur protégé Turzi, programmé un peu plus tard, pour filer récupérer une navette, qui nous ramène au fort de Saint-Père. Première à ouvrir les hostilités, Still Corners, signée chez Sub Pop, nous est vendue comme une fille distillant « de succulents instants de pop en apesanteur ». Ouais, c’est mignon, effectivement. « Chiant », lance un voisin de public. Oui, aussi, pas faux. Et en plus, le crachin s’est franchement transformé en grosse averse. Hop, on file se mettre à l’abri.
Texte et photos : Régis Delanoë