PRÉSIDENT DU JURY AU DERNIER FESTIVAL D’ANGOULÊME, BARU CONNAÎT UNE CONSÉCRATION MERITÉE, PRÈS DE TRENTE ANS APRÈS SES DÉBUTS DANS LA BD. PAS DE QUOI FAIRE TOURNER LA TÊTE DE CE FILS DU PEUPLE.

 

Avant Baru, il y a eu le professeur Baruela. Hervé de son prénom, enseignant d’éducation physique en Meurthe-et-Moselle, où il est né en 1947. Dans les années 1960, la région entame son long déclin industriel. Pour ce fils d’ouvriers communistes (un père d’origine italienne, une mère bigoudène), il y a alors l’urgence de donner une voix à ceux qui l’entourent. « Les dominés de la société, cette classe ouvrière, les miens, mes copains. Sans le savoir, ce sont des personnages romanesques », explique-t-il.

À l’époque, c’est l’avènement de la BD contemporaine et de l’humour provocateur. « Charlie-Hebdo et Hara-Kiri m’ont donné envie de me lancer ». Il n’a alors jamais dessiné – « je n’ai pas grandi dans une sphère culturelle » – mais il a un avantage, son métier de formation. « Être prof de gym m’a permis de vite assimiler la représentation des corps et la mécanique humaine. »

En 1982, il publie ses premiers dessins dans Pilote. Deux ans plus tard, c’est la sortie de Quéquette Blues, un style révolutionnaire, qui inspirera une génération de nouveaux auteurs, Manu Larcenet en tête. Suivront notamment L’Autoroute du soleil et L’Enragé, Grand Prix à Angoulême en 2010.

La recette d’un « Baru », c’est un dessin nerveux, enjoué, coloré, au service d’aventures et de mésaventures du quotidien. Une bande de jeunes avec des intérêts de jeunes – le sexe, le rock, les petits larcins, la gloire – vivant dans un univers post-industriel en crise. Action, humour et travail sociologique de fond forment un cocktail détonnant. Le principal intéressé la joue modeste : « Je suis un dessinateur de rue. Mon truc, c’est de raconter une histoire à partir de la vie de gens ordinaires.»

Son dernier album en date, Fais péter les basses Bruno !, ne déroge pas à la règle. Des vies s’y entrechoquent, avec ce subtil mélange de légèreté et de gravité. « C’est ainsi dans mes BD car c’est ainsi qu’est la vie », justifie Baru, qui, en « personne attentive », a un avis éclairé sur le contexte actuel : « Bien sûr que l’affaiblissement des solidarités m’inquiète, mais je ne suis pas pessimiste. Je sais que Sarko va finir par payer, tout comme je sais que Le Pen est une vaste pantalonnade. Si tant de gens votent FN, c’est juste pour faire chier et non par conviction. » À bientôt 64 ans, Baru n’est pas prêt de lâcher ses crayons.

Régis Delanoë

Les 16 et 17 avril au 18e festival de la BD de Perros-Guirec

(Illustration : Baru dessiné par Gibrat, invité d’honneur du festival cette année)