Été 2005. Programmation de la 11e édition du festival Astropolis : The Hacker, Miss Kittin, Manu Le Malin, Underground Resistance… Coincés entre ces noms de la scène électronique : Kamouflage, groupe inconnu au bataillon, annoncé le samedi sur le site de Kéroual.

Dans les festoches, dans les concerts, des rumeurs circulent. Et puis, l’info fuite dans la presse. Bérurier Noir, le groupe phare de la scène alternative française, est “dékamouflé”. Quinze jours avant le début du festival, les programmateurs l’annoncent officiellement : les auteurs de Salut à toi joueront à Brest.

« Ça devait être un happening génial, se souvient Matthieu Guerre-Berthelot, l’un des organisateurs. L’idée était de faire jouer Kamouflage sous un petit chapiteau… jusqu’à ce que le public se rende compte qu’en fait c’était les Bérus ! »

Une surprise qui aurait marqué les souvenirs d’un paquet de festivaliers. Car depuis leur séparation en 1989, le groupe n’est remonté sur scène qu’à de très rares occasions, dont la fameuse date des Trans en 2003 pour le 25e anniversaire du festival rennais.

« On a offert des places à tous les punks »

Alors, dur de faire venir les Bérus à Astro ? « En fait, on était en contact avec eux grâce à la compil Manifeste Électronique sur laquelle des DJ remixaient leurs titres. On leur a expliqué qu’avec leur indépendance et leur esprit do it yourself, ils étaient assez proches du mouvement rave. »

Tenté par l’expérience, le groupe punk accepte alors l’invitation. « Finalement, ce n’était pas un pur hasard d’y être programmé. Avec notre boîte à rythme, on avait un côté électro », estime aujourd’hui Loran, l’ancien guitariste des Bérus, qui a encore bien en tête le concert brestois.

Une représentation en deux actes. Le premier : le mardi 2 août au Vauban. « On devait y répéter et puis on a décidé d’y faire venir du monde. On s’est baladé dans les rues de Brest et on a offert des places à tous les punks qu’on croisait. Ils y croyaient pas, se rappelle Loran. On leur a juste demandé de laisser les chiens dehors. Ce concert sauvage était fou. »

« On sentait que c’était limite »

Acte 2 : Kéroual, le samedi. « On avait 7 000 punks dehors qui attendaient, on voyait que l’ambiance était en train de monter. À un moment, on a dû ouvrir la barrière à l’entrée car ça devenait n’importe quoi. Pour le concert, c’était l’émeute, c’était super chaud devant. Les gens étaient les uns sur les autres. Il n’y a jamais eu un bordel pareil à Astropolis », juge Matthieu.

Sur scène, autour du groupe : une troupe de théâtre, des peintres, des cracheurs de feu… Et comme point d’orgue, le morceau Porcherie. « C’était dingue ! Quand tu entends plusieurs milliers de personnes hurler “La jeunesse emmerde le Front national”, ça fait quelque chose. »

Présente dans le public, Agathe poursuit : « C’est la première fois où j’ai cru que j’allais mourir dans un festival, avec un pogo qui allait jusqu’à cent mètres de la scène. » Même souvenir chaotique de la part de Nicolas Ollier, photographe à Kéroual ce soir-là : « Il y avait une telle puissance. Les barrières sur les côtés cédaient, on sentait que c’était limite par moment. C’était dantesque ! Des chaussures volaient dans tous les sens… » 200 paires seront retrouvées dans la fosse le lendemain.

Julien Marchand
Un grand merci à Nicolas Ollier et Photorock.com pour les photos.

Article paru dans Bikini#7