/// FESTIVALS /// De 2007 à 2011, le magazine Paplar a couvert une vingtaine de festivals de musique où il réalisait une édition quotidienne distribuée gratuitement. Sylvain Chantal, Gregg Bréhin et Jérome Taudon, ses trois membres fondateurs, reviennent pour nous sur ces années faites d’interviews à la volée, d’artistes taquinés et de bouclages arrosés.
Comment est né Paplar ?
Sylvain : On était à La Route du Rock, tous un peu alcoolisés, et y avait sur la table une feuille de chou en noir et blanc qui racontait le festival. Les photos étaient dégueulasses, c’était truffé de fautes d’orthographe, la maquette était moche. On s’est dit qu’il fallait faire la même chose mais en clean. À ce moment-là, Jean-Louis Brossard (des Trans Musicales, ndlr) passe et on lui demande s’il est OK qu’on lui fasse un journal sur sa prochaine édition. Il nous répond “banco” de suite. Cinq minutes après avoir eu l’idée, on avait déjà un premier client.
Vous avez aussi bossé avec Les Francos, Art Rock, Astropolis… c’était quoi le deal avec les festoches ?
Sylvain : Ils nous payaient la bouffe, l’hébergement et un bureau. En contrepartie, on s’engageait à réaliser un journal du festival. On n’avait pas de deal financier avec les organisateurs (le modèle économique du magazine reposait sur la publicité, ndlr), ça nous laissait donc une liberté totale, on pouvait dire ce qu’on voulait.
Y avait une recette particulière concernant le choix des sujets ?
Jérome : On n’était marié ni avec un festival ni avec un label. Pour nos papiers, on fonctionnait aux coups de cœur et à la rencontre. Y a d’ailleurs plein d’artistes avec qui on s’est marré dont on n’aimait pas du tout la musique.
Sylvain : Christophe Mali de Tryo par exemple. Sa musique est insupportable, pourtant on l’a trouvé cool et il nous a fait des éditos.
Vu de l’extérieur, vous aviez un côté un peu branleur…
Gregg : Oui parce qu’on faisait n’importe quoi : on faisait les cons, on piquait des bouteilles dans les loges… On était branleur dans notre attitude car on voulait s’amuser.
Sylvain : Mais on n’a jamais failli à notre mission ! Même si on bouclait le magazine sur les coups de 5 h en étant bourrés, tous les matins à 10 h tu nous voyais sillonner la ville avec un caddie rempli de Paplar pour la diffusion.
Jérome : C’était un boulot super physique. Quand tu fais le trio de choc Eurockéennes/Francos/Vieilles Charrues, ça fait 12 bouclages en 14 jours. Faut les faire.
En quatre années de Paplar, s’il ne fallait retenir qu’un festival, ça serait lequel ?
Gregg : Les Eurocks pour sa programmation, top.
Jérome : On est tous d’accord pour dire que les Francofolies de La Rochelle est musicalement le pire festival qu’on n’ait jamais fait. Mais au niveau de l’ambiance, de l’alcool et de la plage, c’était génial. On s’y est toujours beaucoup amusé. Les pots Ricard, par exemple, étaient magiques. On avait fait copains-copine avec une des serveuses. À chaque fois, y avait une quarantaine de verres sur notre table…
Sylvain : Vu qu’on était en partenariat avec Kronenbourg, on avait aussi une tireuse à bière dans le bureau. Tout le monde venait boire des coups avec nous, même les groupes qui se faisaient chier.
Et parmi les festivals bretons, votre préféré ?
Sylvain : La Route du Rock, car on s’entendait bien avec l’équipe et, musicalement, c’était notre came. On y a passé des super moments. Avec Christophe Salengro, le président de Groland, notamment. Je me souviens de le voir venir nous apporter huit bières qu’il tenait à bout de doigts, sous la pluie, dans la boue, pour qu’on finisse notre bouclage. La gentillesse du gars !
Et le festival le plus nul ?
Gregg : En termes d’ambiance, je dirais les Vieilles Charrues. C’est un festival hors-norme, on ne s’y retrouvait pas. On ne se reconnaissait pas dans le public…
Sylvain : Pour le coup, on le trouvait trop alcoolisé. On faisait un journal qui était destiné à être lu et, neuf fois sur dix, t’avais un mec bourré qui le jetait tout de suite par terre… On s’est d’ailleurs fait virer des Charrues à coups de pompes dans le cul. Pourquoi ? On avait fait un article sur la hausse du prix des bouteilles de Lillet au bar VIP. Le premier jour : 12 euros. Le lendemain, on y retourne : 25 euros. On a donc écrit un billet d’humeur, qu’ils n’ont pas du tout apprécié. On s’est fait courser par le patron du bar qui voulait s’expliquer avec nous.
Vous gardez des souvenirs particuliers avec des artistes ?
Gregg : On a tissé des liens assez forts avec certains groupes : The Dø, Naïve New Beaters, The Bewitched Hands, Moriarty, Is Tropical… On les retrouvait sur beaucoup de festivals, on est devenu potes avec certains.
Jérome : The Dø, par exemple, on les a croisés huit fois en 2008.
Sylvain : La fin de Paplar correspond aussi à ces cycles de tournée. Au bout de quatre ans, on savait qu’on allait retrouver les mêmes artistes en festivals. On se demandait ce qu’on allait pouvoir raconter de nouveau. Au-delà de l’aspect financier et de la fatigue, c’est aussi ce qui nous a poussés à arrêter.
Gregg : Mais comme tous les grands groupes de rock, on fera un jour notre retour sur une date unique !
Recueilli par
Julien Marchand
Photos : Paplar
Archives sur www.paplar.com
Article paru dans BIKINI#12