Se balader parmi les différentes rubriques du site Le Bon Coin est un voyage formidable. Une plongée quasi sociologique dans notre si belle France des régions et des terroirs. Une photographie exhaustive et fascinante de nos foyers, de nos placards, de nos tiroirs.
Créé en 2006, LeBonCoin.fr est aujourd’hui le plus gros site de petites annonces en France (21 millions d’annonces visibles chaque jour), un passage devenu obligé pour tous ceux qui souhai-tent dénicher ce que l’Homme a pu un jour fabriquer.
Des magnets corbons bleus Le Gaulois
Une doudoune orange taille 16 ans 100 % polyester, un iPhone 4S tout opérateur, des plaquettes de frein Renault Trafic, une lampe de chevet Betty Boop, un présentoir à noix de coco, un Cluedo encore sous blister, un lot de 31 magnets cordons bleus Le Gaulois… « Nos collaborateurs ont tendance à dire que tout ce qui est à vendre sur Terre se trouve sur le Bon Coin, et même un peu plus », rapporte Antoine Jouteau, directeur général adjoint chargé du marketing.
Le « un peu plus » nous intéresse particulièrement. À l’heure où certains plongent dans le darknet (partie du web dont on accède par le réseau Tor qui garantit l’anonymat de chaque utilisateur) pour y acheter ce qu’on ne trouve pas à Monoprix (stupéfiants, armes, faux papiers, etc.), peut-on imaginer pouvoir dégoter son haschich en allant simplement sur le Bon Coin ? Avouez que ça serait quand même plus pratique pour nos amis fumeurs.
« Idéal détente et relaxation »
On a donc essayé d’en vendre, description aguicheuse et jolie photo de barrette de shit à la main. En vain. Nos tentatives, mêmes les plus détournées, ont échoué. « Vends résine de cannabis, idéal détente et relaxation », « vends résine de chanvre, anti-stress », « vends encens à fumer cannabis »… Toutes refusées.
« Nous avons un savoir technologique et un œil humain qui démasquent les arnaqueurs, explique Antoine Jouteau. Ce travail de modération est primordial : il permet de s’assurer que les règles légales sont appliquées, de garder un site bien rangé (qu’une voiture télécommandée ne se retrouve pas à la rubrique automobile par exemple) et d’empêcher les tentatives d’escroquerie ou de fraude. »
Basés à Malte
Chaque jour, entre 600 000 et 800 000 annonces sont déposées sur le Bon Coin. Celles qui n’auraient pas passé le logiciel automatique de modération (le site n’a pas souhaité communiquer la part de refus) sont relues par une équipe de 150 modérateurs (basés à Malte, « des étudiants français pour la plupart »). C’est là que les offres recalées sont soit finalement validées soit mises à la poubelle. Comme notre annonce.
« Ce n’est pas vraiment les tentatives de mise en vente de stupéfiants qui nous prennent du temps. Les gens qui voudraient vendre de la drogue ne passent pas par chez nous, fait savoir le responsable marketing. Ce sont plus les arnaques de type hameçon qui préoccupent nos équipes. Il faut bien les détecter (un prix extrêmement bas par rapport à ceux du marché par exemple) pour éviter à nos usagers de se faire arnaquer. »
Le eBay de la drogue
Si les autres sites de vente entre particuliers communiquent eux-aussi sur le travail de modération qu’ils effectuent (celui-ci n’est pas parfait car notre annonce d’« encens en résine de chanvre » avec une photo de shit a été validée sur PriceMinister), cela n’empêche pas les internautes de se procurer drogues ou médocs en passant par des adresses étrangères ayant pignon sur Web ou par le populaire Silk Road (sorte d’eBay de l’illicite), accessible dans le darknet.
Une zone de non-droit ? « Plus maintenant », affirme la direction générale des douanes. Renforcé par la loi Loppsi, le service de cyberdouane peut aujourd’hui infiltrer les réseaux cachés où il se fait passer pour un acheteur. Ce qui lui était impossible avant. « Cela a permis en décembre dernier l’arrestation d’un vendeur de speed et de résine de cannabis présent sur Silk Road, poursuit la DG des douanes. Nous l’avons traqué pendant quatre mois afin d’effectuer le travail d’information et de renseignement nécessaire à son interpellation. C’est une première en France. »
Julien Marchand
Article paru dans BIKINI#16