On a aimé

Black Keys
Les Charrues ayant pris le bouillon le jeudi soir l’année dernière, il avait été décidé pour cette nouvelle édition de blinder la prog’ en proposant deux têtes d’affiche d’entrée, dans deux styles différents, histoire de ramener un max de monde. Black Keys d’abord, Indochine ensuite. Inutile de vous préciser qu’on attendait plus le duo ricain que la bande à Sirkis. Devenus assez étonnamment un phénomène mondial depuis une paire d’années, les Black Keys sont devenus rares et chers, c’était donc bien cool de les voir sur la scène Glenmor l’espace d’1h15 de concert approximativement. Le set a été conforme à celui attendu, avec un retour à des sons plus rock que le dernier (décevant) album, teintés de garage et de blues, comme un hommage à Johnny Winter, décédé la veille. Les morceaux les plus efficaces restent ceux des précédents opus, Attack & ReleaseBrothers et El Camino, avec en point d’orgue et en guise de morceau d’adieu l’incontournable Lonely Boy, qui a donné l’occasion à la foule de se lancer dans une danse à la Carlton Banks, la tête de turc de Will Smith dans Le Prince de Bel Air.

Donc bon moment ? Oui, bon moment. Top, même ? Non, on n’ira pas jusque là, car il a manqué d’un peu de flamme pour rendre ce concert définitivement inoubliable. Les deux gaziers Dan Auerbach et Patrick Carney laissent parfois la fâcheuse impression de dérouler la came en mode pilote automatique, sans trop vivre ni faire vivre au public l’instant. Oui, ça tabasse bien la batterie, oui, ça joue hyper bien de la gratte, mais ça manque d’un peu de folie. A priori, ils étaient nettement plus en forme la veille lorsqu’ils ont été vus en train de kiffer leur temps passé en Bretagne, à boire des coups incognito du côté de Pléneuf-Val-André… Après tout, il s’agit d’abord et avant tout d’un groupe de bar.

Fauve
Les Parisiens tournent comme des dingos depuis près d’un an et demi. Après Panoramas, Mythos, Art Rock (x2), Les Indisciplinées et le Chant de Marin de Paimpol, les cinq garçons viennent de tamponner une nouvelle case de leur carte de fidélité des festoches bretons. Des petites salles de leurs débuts (Coatelan à Panoramas pour leur première date en BZH au printemps 2013), ils ont su gravir les différentes tailles de jauge pour jouer aujourd’hui sur des scènes plus imposantes. C’est sur ce point que Fauve aurait pu se casser la gueule. Force est de constater qu’il n’en est rien tant ils ont bien plutôt bien capter la foule des Charrues (« the big one », comme ils l’ont répété à de nombreuses reprises). S’il n’est pas toujours socialement admis d’aimer Fauve (faites le test autour de vous), on doit avouer qu’on est loin d’être insensible. Leur spoken-word idéalo-bisounours nous rappelle nos seize ans. Idéal avec un verre de rosé pamplemousse.

Jungle
Il est probablement là, le plus gros potentiel de buzz de cette édition 2014 des Charrues. Et c’est un peu dommage que Jungle ait été programmé pour ouvrir la journée du vendredi, dès le milieu de l’après-midi. C’est donc devant une assistance clairsemée que les Londoniens ont joué. Et nom d’une pipe, ça joue hyper bien ! On sent que les mecs (et la fille) ont bien bachoté le funk et la soul des seventies – Stevie Wonder, Marvin Gaye, toussa toussa – en le réinterprétant à leur sauce et en le transposant dans les années 2010. Deux très gros hits en puissance pour finir le set : Busy Earnin et Platoon. Allez écouter ça sur Deezer ou Spotify si ça vous parle pas, ça mérite carrément. Pour la séance de rattrapage dans le coin, c’est au Stereolux à Nantes fin novembre que ça se passe. Groovy baby !

Détroit
Parce que c’est cool d’avoir de nouveau 18 ans et de se souvenir de ce qu’avait été cet énorme concert donné par Noir Désir sur ce même site des Charrues en 2001, on a eu plaisir à revoir Bertrand Cantat sur scène samedi en début de soirée, au-delà de toutes polémiques. Le gazier est aujourd’hui quinqua et n’a plus grand-chose à voir avec l’image du Jim Morrison français qu’il trainait dans les nineties. Le concert a commencé comme un concert de Detroit, donc calme et sensible, avant de virer très Noir Désir, donc plus fou et plus électrique, histoire de donner à une majorité du public ce qu’il était venu chercher. C’est un peu facile, certes, mais assez logique au final. Tostaky, Un jour en France, Comme elle vient, Le vent l’emportera, À ton étoile, Lazy… Tous les tubes y sont passés, certains ont peut-être un peu vieillis mais la voix de Cantat gardée nickel permet tout de même de les apprécier.

Kid Wise
Il y 8 mois, les Toulousains jouaient devant à peine 50 pélos à feu le bar Le Sympatic à Rennes dans le cadre des Bars en Trans. Cette fois, c’est sur la scène Xavier Grall qu’ils se sont produits et ils se sont plutôt bien défendus dans leur style pop-rock contemplatif tout mimi. En concurrence horaire avec Stromae, c’était pourtant pas facile d’ameuter du monde… La scène musicale se porte bien au pays de Fabien Pelous et Clément Poitrenaud.

The Same Old Band
Cette année, les Charrues avaient décidé d’innover en lâchant le concept Jeunes Charrues pour le remplacer par le Label Charrues. Le changement ? Il ne s’agit plus d’un concours aux contours un peu vagues mais d’un choix assumé des programmateurs de faire confiance sur le long terme (tournée des SMAC, résidences…) à trois groupes du coin. Les heureux élus pour cette édition inaugurale sont bien connus des lecteurs de BIKINI : les zigotos rennais Totorro, le Brestois Falabella et les Lorientais Same Old Band, qu’on a eu le plaisir de voir en concert pour la première fois ce vendredi aprèm des Charrues. Le quatuor fait déjà preuve d’une grosse maturité et d’une belle confiance en lui, tabassant de l’excellent rock psyché dans un style west coast, influence BJM, Warlocks and co. Trois garçons et une fille pleins d’avenir.

Franz Ferdinand
Tu sens les Écossais clairement en pré-retraite mais il faut avouer qu’ils restent une machine à tubes. C’est d’ailleurs en s’appuyant sur les morceaux de leurs deux premiers albums (Franz Ferdinand et You Could Have It So Much Better) qu’ils ont construit les trois quarts de leur set (mieux vaut anéfé éviter les deux disques suivants). The Fallen, Do You Want To, Jacqueline, Tell Her Tonight, Take Me Out, The Dark of the Matinée, Walk Away, This Fire... Ça a plus de dix ans mais, bordayl, c’est quand même toujours aussi cool.

Gesaffelstein
Dix secondes du premier morceau : un orage s’abat sur Kérampuilh. Grosse flotte et éclairs à gogo, un temps idéal pour l’électro apocalyptique (et bien bien forte) du DJ lyonnais. Une fin de soirée « fin du monde friendly » qu’on a bien kiffée malgré nos chemises détrempées.

Breton
Il y a deux options pour ouvrir une journée sur Glenmor. Soit à la cool avec les Tinariwen le vendredi, soit à bloc avec les Anglais de Breton le samedi. Habitués des scènes bretonnes depuis leur programmation aux Trans en 2011 (ils ne manqueront pas de remercier le public et leur soutien), les cinq garçons ont attaqué pied au plancher leur set. En plus d’être toujours aussi efficace, le rock des gaziers s’avère bien pratique pour se remettre tout de suite dans le bain et rallumer la chaudière.

Falabella
Seul regret certainement pour ce poulain du Label Charrues : avoir été programmé en même temps que Bertrand Cantat. Xavier Laporte, échappé d’Im Takt pour ce projet solo, aurait mérité une audience plus fournie. Une électro-pop (chantée) hyper dansante (pour ceux qui étaient présents, vous aussi vous avez repéré ce papy en gilet jaune qui sautait partout ? Bel enthousiasme) qui pourrait faire du tort au groupe originel du Brestois tant il semble armé pour percer. À retrouver à l’automne à La Teufestival à Briec et au festival Echap à Quimperlé.

Arctic Monkeys
Il bien loin le temps où ces garçons de Sheffield, dans le nord de l’Angleterre, s’éclataient leurs boutons d’acné devant le miroir de la salle de bain familiale. Neuf ans après la sortie de I Bet You Look Good on the Dancefloor (neuf ans putain déjà !), Alex Turner et sa bande sont définitivement passés du rock d’ados à celui de darons crooner. Gominés à max (et hop j’me passe un p’tit coup de peigne entre deux morceaux, à la Elvis), les Anglais (qui ne font que deux dates en France cet été, Charrues et Rock en Seine) ont maitrisé leur art, jouant essentiellement des morceaux de leur cinquième album, AM, sorti fin 2013. On aurait aimé un poil plus de titres du premier (pas de Marby Blum, pas de When The Sun Goes Down, pas de The View From The Afternoon…). Bon rappel – qui a mis du temps à venir, public pas très demandeur – conclu par un R U Mine bien prop’.

Totorro
Cette fois ça y est, on a enfin vu les fameux Totorro en live. L’autre jour à Art Rock, on les avait manqués sur une bête erreur au niveau des horaires. Cette fois, on a assuré en se pointant une bonne demi-heure avant l’arrivée des zigotos sur scène, histoire aussi de siroter en attendant une des délicieuses mousses artisanales du très bon stand des bières bretonnes, qui a eu droit à un succès mérité pendant le week-end. Mais venons-en à Totorro, donc : les Rennais ont vraiment assuré dans leur style caractéristique (et réjouissant) : du post-rock bouillonnant à la Mogwai (essentiellement instrumental), mais en beaucoup plus décontracté. Chaque morceau se consomme comme un bonbon, avec de grosses montées acidulées. Les quatre gars ne se prennent pas le chou, ils s’amusent, sautillent, se pointent sur scène avec une baleine gonflable, donnent des noms à la con à leur morceau (Tonton Alain Michel, Motte-Rock, Festivalbini…), chantent quelques rares paroles bien débiles et terminent le set en distribuant des frisbees au public. Parfait.

Girls in Hawaii
Un bon groupe calibré Route du Rock exporté au pays du mainstream sur la plaine de Carhaix, ça reste un bon groupe de rock. Confirmation avec les Belges de Girls in Hawaii, qui n’en finissent plus de défendre leur fantastique dernier album Everest, celui de la renaissance. Les sonorités rappellent les regrettés Grandaddy, ce qui n’est pas la plus vilaine des références. Avec en prime en live un roadie absolument déchainé sur le bord de la scène, qui n’a eu de cesse pendant tout le concert d’accompagner ses copains en dansant comme un dératé et en faisant de la air-batterie. Moment LOL.

Traams
Vous vous souvenez de la scène dans Retour vers le futur où Marty reprend Johnny B. Goode avec un final acéré, laissant le public chaos debout ? C’est un peu pareil avec les Anglais de Traams et leur punk-rock brutal. Ils ont assuré le service après-vente des saisissants Totorro pour un dimanche après-midi sur Grall où on n’était clairement pas là pour jouer avec les écureuils et danser avec les papillons. Ça bastonne, ça se pose pas de questions, ça joue fort d’entrée. Et quand tu commences à piquer du nez au quatrième jour, c’est aussi efficace qu’une canette de Red Bull.

On a vu

HollySiz
Le cas Cassel est l’objet d’un conflit interne à Bikini. A l’image des Tranxen200 (« Je viens d’avoir une scission avec Joel sur le displerac à connexions analogiques sur VSP 800 »), il y a désaccord sur l’auteur de l’album My Name Is. D’un côté, ceux qui trouvent ça plutôt efficace et globalement bien branlé pour de la pop FM. De l’autre, ceux qui jugent ses morceaux comme une simple recusée des années 80. Inaugurant la nouvelle version de la scène Grall vendredi (inversion avec le cabaret Gwernig), Hollysiz a su trouver les bons arguments pour rassembler son petit monde : set pêchu, un Come Back To Me interprété au milieu de la fosse, reprise de Smalltown Boy de Jimmy Somerville (haters gonna hate) et un petit short rouge dont elle a (sans doute un peu trop) joué sur chaque morceau.

Skip The Use
« Attends, c’est pas Lenny Kravitz qui joue là ? J’crois que si. » Certains mecs au bar VIP/partenaires en ont tellement rien à battre des concerts que c’est beau.

Casseurs Flowters
Ou comment un projet cool à la base (Orelsan et son rap de petit blanc loser dans une ville moyenne) n’a pas réussi son virage grand public (discours édulcoré, textes assez pauvres, refrains chantés). Comme à Art Rock, la présence de DJ Pone aux platines ne changera rien : on a tendance à bloquer.

Miossec
C’est la première fois qu’on revoyait Miossec en concert depuis sa sobriété. Le touchant Brestois, tout en émotion et en timidité, y a perdu en folie ce qu’il a gagné en justesse dans la voix et le rythme. Les vertus du vin Bonne Nouvelle.

Stromae
Il paraît que ce n’est pas la taille qui compte chez un homme. Le problème est pourtant récurrent avec le Belge. Comme en 2011 sur la scène Xavier Grall, la fosse a très vite saturé samedi soir, la jauge s’avérant une nouvelle fois beaucoup trop petite. Indéniablement le concert qui a le plus rassemblé sur cette édition 2014 (si le vendredi affichait complet depuis de nombreuses semaines, c’est grâce à lui). Côté scène, Paul Van Haver de son vrai nom a plus que fait le taf : set hyper rodé, carré, propre. Si le public l’attendait surtout pour Formidable et Papaoutai, on reste de notre côté plus fan des morceaux de l’album Cheese (Bienvenue chez moi, Peace or Violence…). S’il a gagné la popularité des enfants et de leurs parents, il a peut-être perdu l’âge intermédiaire.

Indochine
L’autre tête d’affiche de la soirée du jeudi avait bourré deux fois le Stade de France fin juin, autant dire que la grande scène des Charrues ne fait pas peur à Indochine. Sirkis et sa bande ne sont pas du genre à faire les relous, ils balancent au public de festival ce qu’il attend : des tubes, des tubes et des tubes (y compris l’Hexagone de Renaud sans émotion ni saveur). Force est de reconnaître qu’ils sont nombreux et plutôt efficaces à écouter en live. Le décorum est d’un kitsch assumé, avec néons fluos et vidéos au ralenti du chanteur corbeau devant une foule en délire (Nicolaaaaaa !). C’est plutôt marrant, avec Trois nuits par semaine et L’Aventurier pour finir le concert et cette première soirée des Charrues. On a attendu en vain Isabelle a les yeux bleus ou Vice et Versa on a dû se contenter de se les fredonner pour s’endormir.

Fakear
Après Superpoze l’an dernier, c’est un nouveau Normand qui a débarqué avec son abstract hip-hop cette année. Pour ne pas souffrir de la comparaison avec son poto caennais, Fakear a décidé de sortir la boussole et de viser l’orient. Résultat : une électro japonisante qu’il habille d’une voix féminine sur scène. Pas dégueu. Gros succès auprès des kids.

Diplo
Typiquement le genre de set pour une fin de soirée, en l’occurrence samedi. Sur Grall, Diplo a tabassé du gros son de boîte de nuit au public qui avait décidé de bouder Shaka Ponk programmé dans le même temps sur Glenmor (le choix n’avait pas été difficile à faire nous concernant). C’est rigolo mais un peu écœurant sur le long terme. Allez zou, dodo !

On a (volontairement) zappé

Vanessa Paradis, Shaka Ponk, Ky-Mani Marley, Thirty Seconds to Mars, Yodelice, BB Brunes, Julien Doré

On a zappé (faute de temps)

François and the Atlas Moutains, Christine and the Queens, Elton John, Benjamin Clementine, The Red Goes Black, Carbon Airways, Von Pariahs.

RD / JM