// VIEILLES CHARRUES // APRÈS AVOIR PAS MAL BOURLINGUÉ ENTRE LE KREIZ-BREIZH ET LE QUÉBEC,  KRISMENN A DÉCIDÉ DE REVISITER LA LANGUE DES FRÈRES MORVAN. C’EST EN BRETON QU’IL RAPPE.

Pour apprendre le breton, Christophe Le Menn a d’abord dû apprendre l’auto-stop. On est en 2e mi-temps des années 1990 et le lycéen brestois a des envies. À défaut d’avoir vraiment un but.

Après avoir pris une belle claque avec les frères Quéré, rois du kan ha diskan durant l’armada Brest 96, Christophe file chaque week-end dans le Centre-Bretagne. Entre Carhaix et Poullaouen, le berceau du chant traditionnel. Pouce levé et sac à dos de bohème. « Là-bas, se souvient-il, je rencontrais des anciens qui me parlaient en breton et me chantaient des gavottes. »

Il retient tout : l’accent, les paroles, le rythme. Délaissant la caisse claire du bagad de Plougastel-Daoulas, Christophe grattouille la contrebasse, la guitare. Le chant surtout. Il reproduit l’héritage des aïeux. Seul ou accompagné, il écume les scènes de fest-noz. Il s’en gave. Il sue. Puis, il se lasse. Il veut chercher et inventer.

« La musique de la langue bretonne et la sonorité des mots » l’inspirent. Il s’intéresse alors aux joutes traditionnelles chantées et les compare aux actuels battles de rap. Se passionnant pour le hip-hop, c’est en breton qu’il écrit ses premières punchlines, une langue dont il aime les intonations.

2008 marque un tournant. Celui qui se fait désormais appeler Krismenn suite à un long séjour au Québec
(« Chriss, men » signifie « Putain, mec ! ») intègre la Kreiz Breizh Academy, saison 1. Aux manettes, le musicien, « ami et modèle », Erik Marchand. Durant trois ans, les seize candidats retenus baignent dans la musique trad’. Le garçon bûche solfège, accompagnement et arrangement. Le bagage s’étoffe. Mais Krismenn tarde à se lancer.

La Fête de la langue bretonne à Cavan, dans les Côtes-d’Armor, lui passe commande d’un concert en 2010. Durant six mois, Krismenn bosse seul dans son grenier. Son matos : ukulélé, guitare et MacBook. Le travail est artisanal, comme il aime. Jusqu’au jour J, rien ne filtre. « Je ne l’ai fait écouter à personne. » La performance sur scène dure 35 minutes. Les oreilles non averties accrochent. Celles des programmateurs sifflent. On vient le chercher. Jusque dans son hameau de Saint-Servais, près de Callac.

L’été qui s’annonce verra Krismenn à l’affiche de nombreux festivals bretons. Au volant de son Combi Volkswagen, jaune moutarde, le jeune trentenaire ira titiller un public qui l’ignore. Putain, mec !

Benoît Tréhorel
(photo : Sylvie Le Parc)

Le 17 juillet aux Charrues à Carhaix