22h10. Ah oui au fait, c’était la soirée Balkans sur Xavier Grall. On y fait honneur rapidos assister au début de set de Goran Bregovic et de sa fanfare des mariages et des enterrements, soit un mélange festif de musique trad’ et de beats plus modernes, pour un rendu assez kitsch, mais qui permet au public de transformer le pré en joyeuse salle des fêtes d’un bled lambda de la région de Sarajevo. Pas le temps de trop en profiter, car débute dans le même temps sur la scène Kerouac le concert d’House Of Pain, assurément l’un des grands moments de cette ultime journée. DJ Lethal et Everlast donnent dans le hip-hop coup de poing, avec un énorme groove et un gros battle de MCs. Les gars de Brooklyn font parler leur vécu et, bien aidés par d’excellents musiciens derrière (qui auront droit chacun à leur solo de présentation, à l’ancienne), mettent le feu à l’audience. Le mégatube Jump Around, en final, achève de convaincre. En clôture, les Chemical Brothers assurent un show tout en démesure, avec un véritable déluge sonore et pyrotechnique, non recommandé pour les personnes impressionnables : basses ultra puissantes, rythmique hardcore et effets de lumières aveuglants. Entre les deux, les festivaliers encore présents avaient eu le droit à un long et beau feu d’artifice, pour célébrer comme il se doit les 20 ans des Charrues. Bon anniversaire.
21h. Sur Glenmor, la jolie Anglaise PJ Harvey, toute de noir vêtue, plumes dans les cheveux, assure son rang de tête d’affiche. Le set est carré, propre, porté par l’une des figures du rock alternatif british. Certes un peu moins nombreux que devant Lou Reed, le public répond néanmoins présent et répond bien aux nouveaux morceaux puisés dans le dernier album en date de la belle, l’excellent Let England Shake, sorti en début d’année.
18h10. Lou Reed débarque sur la scène Glenmor, petites lunettes, mine renfrognée, accompagné de ses zicos. Pas du style à distribuer des sourires ou des « bonjour Carhaix » à la foule compacte qui s’est massée sur la prairie, le Velvet offre une prestation propre. Un peu trop peut-être. Tandis que dans la foule, les fans hardcore (identifiables au t-shirt sérigraphié de la banane de l’album) prennent leur pied, yeux mi-clos, pas mal d’autres s’ennuient ferme face aux morceaux à rallonge proposés ce soir. Quelques tubes revisités tels Sweet Jane, Sunday Morning ou Venus in Furs fonctionnent bien, mais le concert laisse finalement un sentiment mitigé. L’absence de Perfect Day y est sûrement pour quelque chose.
17h45. Ben L’Oncle Soul, affublé d’une casquette à pompon, est en conférence de presse. S’il botte en touche les questions sur The Inspector Cluzo (« Je ne connais pas ce groupe… »), Benny confiera que « le hip-hop et la soul, c’est la générosité », que « sur scène, il essaie d’apporter le soleil » et qu’il « ira là où la musique le guidera ». Ouais, gars.
17h. Il y a du Groland dans Pierre Perret. Vous savez, Maxime Le Porestier. Le genre de gars qui est capable de vous sortir “des chansons pour aller en prison”. Des titres gentils de prime abord mais pleins de double-sens. Entre deux jolis textes (Lily, etc.), Pierrot le fou nous lâche ses refrains limites. « Tiens c’est la Corinne/Qu’a encore trouvé une pine. Ses amants n’avaient pas tort/Elle peut faire bander un mort » ou « Des chèvres toutes heureuses qui font ça gratis. » On écoute ça entourés de gamins qui applaudissent sur les épaules de leur papa.
16h35. Entrée en scène de Ladylike Lily sur la scène Youenn Gwernig, à la Garenne. La folkeuse fait le plein, mais on soupçonne pas mal de monde dans l’assistance d’être présent d’abord pour trouver un abri sous le chapiteau et échapper au fin crachin breton qui tombe en continu du ciel carhaisien. Seule avec sa gratte, la version rennaise d’Alela Diane s’en sort plutôt bien, avec ses chansons toutes douces, qui accompagnent tranquillement la digestion de la tartiflette.
Pour le réveil, mieux vaut se diriger vers Xavier Grall, où l’on retrouve Boogers et sa bande, déjà vus il y a quelques semaines au Forum La Passerelle lors du festival Art Rock. Jusqu’alors habitué à évoluer en solo, on sent le Tourangeau bien à l’aise, qu’il s’agisse de faire dans le sérieux – l’excellent tube I lost my Lung – ou de balancer une version rigolote du Creep de Radiohead. A mesure que le concert avance, l’assistance grossit : il s’agit des déçus de Pierre Perret, dont on apprend qu’il est bien gentil le Pierrot avec sa bouille de papy Werther’s Original, mais sa voix n’y est plus.
Avant l’arrivée très attendue de Lou Reed, dernier détour par la scène Jeunes Charrues assister à la prestation des Morbihannais de Furs, au style rock sensiblement similaire aux vainqueurs 2010, The Octopus. Il s’agissait des derniers candidats du week-end, place désormais aux délibérations du jury pour connaître les heureux élus.
Dimanche, 14h, le dernier jour, le plus dur pour qui est présent sur place depuis le milieu de semaine. Une rapide visite à l’entrée des campings permet de constater que le régime 3K (Kro-Kébab-Kanna) n’est pas franchement recommandé sur la durée. Mines défaites, traces de marqueurs sur la gueule, valoches sous les yeux, t-shirts dégueus et groles défoncées croisent les têtes fraîches et pimpantes des arrivés de ce dernier jour qui s’annonce puissamment rock’n roll (avec Lou Reed, PJ Harvey et Chemical Brothers comme têtes d’affiche). En langage Bison Bourré, traduisez que le grand chassé-croisé est actuellement en cours, avec des prévisions rouges dans le sens des départs et orange dans le sens contraire.
A l’entrée du site, ça ne se bouscule pas encore en revanche, la faute à une météo maussade et à un début de prog’ a priori peu engageante. Pour le premier groupe programmé, il y a pourtant de quoi faire avec Congotronics vs Rockers. Un nom digne de Mortal Kombat. 21 garçons et filles sur scène, presque autant dans le public pour les premières notes de cette formation mélangeant musique congolaise et indie-rock. L’heure n’est pas forcément la meilleure pour ce groupe inconnu des festivaliers, le réveil difficile a retardé les premiers spectateurs. La formule de ce combo est pourtant bonne, aucun des deux genres ne prenant le dessus sur l’autre. Avec du matos bricolé (enjoliveur et casserole entre autres) et instruments rock, Congotronics vs Rockers a apporté son world groovy qui a dû en dessaouler plus d’un.
Sur la scène Jeunes Charrues, ça démarre plutôt dans l’ultra-violence avec Cross Damage. Les vainqueurs du tremplin Basse-Normandie ont un chanteur que Thomas VDB, notre consultant de luxe (lire BIKINI #2), avait qualifié « d’enroué et ronchon ». Et effectivement, le bougre au micro hurle comme un cochon sur le point de finir dans l’étal du boucher, derrière un gros son métalleux. Une amorce très Hellfest qui surprend quelque peu. A éviter pour récupérer de la gueule de bois de la veille.