La première fois qu’on l’avait vu, c’était sur le toit de La Carène pour Astropolis en août dernier. La Femme, c’était alors une meuf et quatre gars qui venaient de marquer 2012 avec leur titre Sur la planche. Vendredi soir, on les a retrouvés non plus à cinq mais à six (un gazier s’est rajouté à la bande). Désormais tous teints en blond platine, le groupe avait la putain de tâche d’ouvrir la quinzième édition de Panoramas.
C’est là que c’était sans doute pas cool pour eux. A 20h, le parc des expositions de Langolvas à Morlaix était quand même bien vide. A cette heure, les parkings étaient encore en train de se remplir et les verres de se vider pour un public très jeune venu fêter le début des vacances (certains un peu trop même, au vu de toutes les galettes entre les deux halls. Miam). Devant une centaine de spectateurs à tout casser, La Femme a donc lancé les festivités. Depuis cet été, le set n’a pas des masses bougé mais ça reste frais (La Femme Ressort et ses gimmicks psychédéliques : we like this).
On zappera Chinese Man (j’étais au téléphone avec ma meuf en fait et j’ai enchaîné sur une bière avec ancien pote de promo) pour retourner au Club Sésame écouter le rock des Parisiens de Stuck In the Sound. A mettre dans le panier des prestations réussies. Ca envoie du bois dès le départ avec une basse bien prononcée, ça se fait pas chier à installer le morceau, comme sur le très bon Bandruptcy tiré de leur dernier album. A voir les commentaires sur Facebook, on n’est pas les seuls à avoir apprécié ce set.
Dehors, ça caille. Du coup, ça picole. “Depuis tout à l’heure, j’suis sec de là”, indique un jeune gars montrant du doigt sa gorge, avant de s’enfiler son demi. Beaucoup l’imiteront. Et beaucoup n’iront pas voir le retour d’Izia à Panoramas depuis son premier passage en 2007. Le Grand Hall, à peine rempli pour moitié, pour la fille Higelin (c’était pourtant loin d’être dégueu). Tout l’inverse au Club Sésame, blindé pour 1995. L’un des concerts les plus attendus de la soirée, l’un des concerts les plus réussis de la soirée. Attaquant fort avec Renégats, les cinq MC et leur DJ ont confirmé le bien qu’on pensait d’eux. Un hip-hop, “pris à la source”, énergique sur scène, les six gars se relayant parfaitement pour ne jamais créer de temps mort. On est curieux de voir ce que ça peut rendre sur une scène plus grande. Réponse prochainement à Art Rock et aux Charrues.
S’il y a un groupe par contre dont on n’attend plus grande chose, c’est The Shoes. Non pas que ce soit à chier, mais depuis l’été 2011, c’est la quatrième fois qu’on voit les Rémois (Charrues, Astropolis, Indisciplinées et Panoramas donc). Les premiers à vraiment remplir le Grand Hall vendredi. On apprécie le bon People Movin, on se casse pour l’agaçant Time to Dance.
Ah oui, on fera des sauts régulièrement au chapiteau (Tepr et Sound Pellegrino notamment). C’est en plein air et c’est là qu’on trouve les gars les plus cramés et/ou les plus perchés. S’ils supportent si bien le froid, c’est qu’il y’a bien une raison.
Dans ce rayon, on pourra aussi citer le duo Kap Bambino qui a eu pour mission de faire patienter la base fan de Paul Kalkbrenner. Dans la lignée de Crystal Castles (en fait c’est l’inverse puisque Kap Bambino a été créé trois ans avant le groupe canadien), l’électro-clash des Bordelais est bien véner. Et bien rapide. On aime. L’un des gars de La Femme, juste à côté de nous, aussi.
Retour au Grand Hall transformé en club par Paul Kalkbrenner. Le Berlinois a ses adeptes. “J’te paye un spliff si tu me files ton pass presse. Faut trop que j’aille en coulisses pour choper une dédicace”, nous demandera un gars aussi sympathique que bourré. Face à un refus, il enjambera la barrière de sécurité. On l’a pas revu. Bien ouej.
Samedi. Deuxième soir de fiesta, deuxième soir sold out. Ok d’accord, cette fois le doute n’est plus permis, le festival Panoramas cartonne clairement. On apprendra d’ailleurs le lendemain que des émissaires des Charrues, des Eurockéennes, de Dour et des Francos avaient fait le déplacement à Morlaix ce week-end pour en savoir plus. On a une idée sur la question. D’abord bien sûr, il y a une prog bien branlée, ensuite il y a l’ambiance sur site, fun et jeune. Ça picole ça rigole.
D’ailleurs en ce second soir de ribouldingue, on décide de changer de stratégie, délaissant la fosse aux photographes pour assister aux concerts dans le public, le numérique autour du cou. Pas mal de festivaliers retrouvent des réflexes de boîte et alpaguent pour se faire immortaliser, la majorité du temps le gobelet en plastique en main et le regard méchamment cramé (« C’est pour Ouest-France ? Téleg’ ?! »). L’occasion de leur demander leur avis sur le début de soirée qu’on a zappé (bouchons routier et de bouteilles d’apéro obligent). Les Rennais de Juveniles comme Orelsan recueillent d’excellents suffrages. Pour les premiers, vus comme ils nous avaient épatés lors de leur passage aux Trans l’hiver dernier, on n’est guère étonné. Quant au rappeur normand, il fait l’objet d’un long débat entre deux gars et une fille sur le concept de « mainstream », ce qui l’est, ce qui ne l’est pas et à partir de quand on le devient (le passage à Virgin Radio semblant être la frontière à ne pas dépasser, si on a bien compris).
Au Grand Hall, on assiste à la prestation de DJ Shadow, un parrain de l’électro, ultra-respecté. C’est mérité, le Californien livre un set propre et classe. Allez, on avait quand même un poil préféré son concert d’il y a dix ans à La Route du Rock, à son âge d’or, l’époque du remarquable album The Private Press. L’effet première fois, certainement… Grand Hall toujours, grande claque de la soirée avec la démonstration des quatre DJ de C2C (qu’on avait interrogés dans notre dernier numéro), les guedins du turntablism, qui seront à n’en pas douter un incontournable des festivals estivaux. Visuellement comme musicalement, on adhère complètement, avec notamment l’excellent hit FUYA. Au Club Sésame, on avait auparavant assisté à la fin du set de Jupiter, avant de passer en cours de soirée voir une partie des sets du petit génie Madeon (« L’avenir putain, c’est l’AVENIR !! », assure un voisin de concert) et de Modek, DJ à la cote qui croit lui aussi de manière exponentielle. A juste titre.
Suivront notamment Digitalism et Erol Alkan, dans un Grand Hall bondé et en transe, ainsi que Canblaster, le gars de Club Cheval, au Chapiteau, pour une prog’ orientée quasi exclusivement électro en ce samedi soir. C’est cohérent et ça fonctionne à plein, avec 22 000 festivaliers au final sur l’ensemble du week-end. Pas de flop musical et une ambiance au taquet : la saison des festivals démarre au mieux. Prochain rendez-vous pour l’équipe de Bikini : Art Rock à Saint-Brieuc du 25 au 27 mai.
Texte et photos : Bikini